ALBERT
SURRE
Et
puisque je vous parle de mon oncle, je ne puis m'empêcher d'évoquer le souvenir
de son frère Albert qui fut un poète. Voici une de ses poésies en patois ; il
faut avoir connu les endroits qu'il évoque, le caractère des gens dont il parle,
pour mesurer l'originalité et la véracité du texte.
Albert
et Alexandre, deux cousins se battent à la sortie de Bregne au Termini.
Albert
a le dessus, Alexandre se sauve, croyant son adversaire, à ses trousses.
La
première partie de Bregne à Castillou, texte égaré.
Voici
la deuxième partie :
Té
foutégués pés pés la parure ramadesso
Qué
s'assouleillabo sus pounts
Mé tu,
gàitos pos rès, filos à mount amount
Rencountros
sul saula lé grand faouré dé Téhomès
Te
tratto dé briguand te tratto de tristé homme
Et pei
enca al dessus atchi est Janégot
T'insulto
tant qué pot
Dessus
co del Taréï atchi es Clémentsou
Té dit
tout bounoument : "Et oun bas Baptistou ?"
Mes en
tarrestant pas et te beïre tant pallé
Se
boutec à crida : "Arrestalé, arresta-lé
Aco es
un brigand, aco un assassin".
Tu en
aousin aco filas coumo un lapin
Et d'un
birat de ma quittas la Cabirolo
Bas
passa à Burret débant ço dé Coujolo
Et
camous ajudammé, filas à foun dé train
Te bas
esparrica al pount dé Paguillem
Atchi,
té rélébegues, aprets tant dé secoussos
En té
pensan toutjoun qué jou éro à tas troussos
Té
boutos à crida en uni crits d'espant
Qu'aouros
feït poou à l'outs, sel bas abé débant :
"Sé
jamais al malheur aquel putain d'Albert
Dé
m'esquicha lé gilet, t'y boli esquicha lé quer !"
Jou del
temps qué fasios aquelis espantassés
AI prat
de Garnillas m'aillo crousat les brassés
Et pèï
biri le cap dé Madranquo à la Piquo
Et dret al cap del Roc
Et
coumou bési pas un pel brumo en loc,
Qué
pensi qué douma y aoura escolo
Qué mé
caldra jugné Courbo endé Caoujollo
Ou
sinou foutré al sol lé prat dé l'Argentié
Coumprénés
pla qu'on pot pas démoura sans ré fè
Et
quand tout le maïti as ramenat lé dal
Et lé
resto del joun trouta amount abal,
Ou
dijous un feïch d'herbo fé calqué gros tesecs
Coumprénés
pla qu'aco t'en fa ana l'eïchec
Bounsoir
cousi, et tu fé coumou belgos,
Et jou
m'en baou dourmi
Albert
SURRE
Compagon
Charpentier du Tour de France
dit
"Comtois l'ami du trait"
Comtois
- en référence au Comte de Foix
L'ami
du trait - en raison de son habileté à faire uni plan
Secrétaire
des Compagnons de Paris
161,
Avenue Jean Jaurès
Mort
accidentellement le 16 Avril 1920 à l'âge de 28 ans.
J'ai
essayé de traduire le texte, mais il perd toute son originalité, il n'a de
valeur qu'en patois.
Je dois
ajouter qu'Albert Surre n'était pas le seul à écrire des poésies.
Les
jeunes hommes de cette génération entre 1890 et 1930 se piquaient de belles
lettres. Ils
lisaient
beaucoup. Non seulement ils mettaient une certaine coquetterie à écrire avec
recherche,
mais la
faute d'orthographe était ressentie comme une grave incorrection.
Je me
souviens avoir trouvé dans une malle au grenier, une "déclaration
d'amour" écrite eu
vers et
destinée à ma sœur Joséphine. L'auteur y plagiait Musset assez vaguement tout
de même,
on
sentait. que l'apport personnel y était très réel.
Que
sont devenus tous ces objets relégués dans le grenier chez nous ? Quand mes
parents ont
vendu
la maison, je sais qu'ils n'ont rien pris de ce qui le peuplait. Ces malles
contenaient de
vieilles
lettres, des vieux illustrés, des livres anciens qui devaient être là déjà à
l'époque du vieux
forgeron.
Que sont devenus ces objets en cuivre, ces soufflets de forge, ces rouets ?
J'étais dans le Tarn et Garonne à l'époque, mais si j'avais été là, aurais-je compris le témoignage irremplaçable de la vie d'autrefois que personnifiaient tous ces objets ?